Les méthodes éducatives du chien

Le chien et le loup n’ont pas les mêmes valeurs comme le disait si bien La Fontaine dans sa célèbre fable. C’est ainsi, que de nombreux éthologues qui observent les canidés à l’état sauvage, mais également les chiens errants ou libres, nous amènent progressivement vers une nouvelle forme de reconnaissance des modes d’apprentissages et de communication nécessaires au bien-être du chien. La domestication lie le chien à l’homme bien plus qu’il n’y parait et ce dernier déploie tant d’efforts pour s’adapter et vivre à nos côtés, qu’il est de bon augure que de lui rendre la pareille en s’interrogeant sur le bien-fondé de nos méthodes d’éducation.

Illustration : "Les méthodes éducatives du chien"

Qu’est-ce que l’éducation canine ?

Est-ce que l’éducation canine est une méthode traditionnelle d’obéissance pour apprendre au chien le assis, couché, ne pas bouger, faire le beau… ? L’éducation du chien est tout autre ! Elle se révèle être plus complexe, car fondée sur des apprentissages pour vivre dans un milieu d’humains, car le chien domestique ou de compagnie, même le chien de travail, a nécessairement besoin d’éducation pour être intégré dans un environnement où les codes sont spécifiques à une espèce qui n’est pas la sienne. Il va devoir apprendre à accepter qu’on le touche, à accepter la laisse, à revenir vers vous lors d’une ballade, à rester calme dans un lieu inconnu, à accepter les câlins, se contrôler dans le jeu, ne pas aboyer inutilement, manger à heures fixes et pas n’importe quoi…et même, à vivre avec le chat du voisin ou les passants dans la rue.

Communication et apprentissage sont précieux pour le chien

Le chien utilise 2 facultés que nous connaissons bien : la communication et l’apprentissage. En éthologie la communication pour le chien est un signal émis par un individu, le maître, qui influence le comportement du receveur, son chien, d’une façon avantageuse pour l’émetteur au moins et si possible pour l’émetteur et le receveur à la fois. Pour exemple, en expliquant à un chien qu’il doit s’arrêter sur un trottoir avec vous avant de traverser une route, le signal d’arrêt que vous lui montrez et que vous renforcez en l’arrêtant, est avantageux pour vous puisque vous évitez un danger, il vous évite de devoir courir après votre chien qui aurait pu traverser la route devant des voitures. Cette forme de communication qui est intégrée dans l’éducation canine a également un avantage pour votre chien dans notre monde, celui de ne pas se faire écraser.

L’apprentissage est défini par la modification du comportement du chien à la suite d’expériences individuelles. Le chien expérimente avec vous au quotidien et apprend tout le temps, en réfléchissant et en mémorisant ce que l’on peut attendre de lui dans certaines situations.

L’éducation canine est donc l’ensemble des techniques utilisées suite à l’intervention d’une personne pour s’assurer qu’un apprentissage conduit à une réponse prédictive du chien.

L’éducation canine se réfère au conditionnement opérant

Selon Skinner, le conditionnement opérant en éducation canine, c’est « la modification de la probabilité d’apparition d’un comportement en fonction des conséquences dudit comportement ». Ainsi, le comportement que l’on souhaite voir adopté par son chien est dépendant des conséquences qui lui sont associées, qu’elles soient considérées par le chien comme agréables ou pas.

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Très utilisé en pratique, le conditionnement opérant utilise les facteurs de motivation du chien : soit du renforcement primaire, reconnu spontanément par le chien et souvent associé au plaisir (nourriture, sortie en extérieur, sortir de la voiture, voir ses copains chiens, jouer…), soit secondaire et qui n’est pas naturel pour le chien (la voix que le chien a apprise comme associée à quelque chose de positif pour le chien ; la caresse si elle est devenue agréable pour le chien également). Le chien peut éprouver du plaisir pour certaines récompenses alors que d’autres non, c’est bien là une question d’individus, de tempéraments, de vécus ou de ressenti.

Le conditionnement opérant réunit 4 méthodes d’apprentissages qui permettent d’augmenter ou de réduire l’apparition d’un comportement : les punitions positives (P+) ou négatives (P-), les renforcements positifs (R+) ou négatifs (R-). Le chien peut comprendre naturellement les méthodes de conditionnement opérant, tout comme les codes de communication sociale, tout ce qui va faciliter son intégration dans notre vie d’humain au quotidien.

Méthodes coercitives ou positives ?

Les principales méthodes d’éducation utilisées peuvent être de 2 natures (Haverbeke et al. 2008) :

  • coercitives : basées sur la réprimande et les sensations désagréables (P+ et R-). Le chien écoute ou « obéit » par peur, pour éviter la douleur physique ou physiologique, le chien renonce à toute action n’ayant pas trouvé de solutions pour s’échapper, il n’a plus le choix. Ces méthodes encore utilisées de nos jours, comme avec les colliers électriques ou à pointes qui sont pourtant interdits dans certains pays européens, diminuent le bien-être du chien et augmentent les comportements indicateurs de stress ou les problèmes majeurs de comportements.
  • coopératives, dites parfois « positives » : basées sur les récompenses et les sensations agréables pour le chien (R+ et P-). Le chien écoute et « obéit » par envie, il adhère et comprend son intérêt, il devient acteur de son apprentissage, il ressent du plaisir ou une absence de douleur/de mal-être physiquement ou psychologiquement.

Au-delà de l’obéissance, l’éducation canine est le reflet d’une philosophie ou un état d’esprit avec son chien

L’éducation canine ne peut désormais plus s’appuyer sur ces idées reçues, démystifiées par les scientifiques, car non fondées, à savoir :

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  • le principe de hiérarchie entre l’homme et le chien, de la relation dominant-dominé ; le chien retient avec qui il a une relation positive et avec qui il a une relation négative, c’est une balance des interactions entre des personnes différentes et le chien.
  • la notion de « culpabilité du chien » qui pense qu’il a fait une bêtise de par son attitude n’est pas un état émotionnel réaliste et ne reflète pas ce qu’a réellement fait le chien.

Comprendre son chien, utiliser des méthodes coopératives, faciliter ses apprentissages et lui donner le choix, prendre en considération la qualité de la relation du chien avec les personnes, sont autant de clés pour faire de l’éducation canine une pratique éthique et conforme aux impératifs de bien-être du chien.

Cet article est inspiré et extrait de la conférence de Charlotte Duranton, docteur en Ethologie, lors de la journée de l’association de protection des vétérinaires (APV) du 31/03/2019

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